dimanche 20 avril 2025

Evolution?

« Mais comment donc en est-on arrivé à ce qu’un seul ‘singe’ puisse jouer avec le destin du monde en claquant simplement des doigts chaque jour et à toute heure, de façon totalement erratique et égotique, inspiré par un mix opaque de théories foireuses (…) avec (…) zéro moyen de l’arrêter ? » titre B.D., éditorialiste en chef des « News du Soir ». 

Ça été si vite. D’ailleurs, ça court toujours.  Dans tous les sens… 

- Aujourd’hui, en cet an 3026, des continents fêtent l’intronisation d’Uxley X, Empereur du « Meilleur des mondes », rassemblant le « Vieux Monde », à savoir América, et d’Africa, la Nouvelle Vague Noire, riche et prospère.

Les lattes de teck sur lequel est assis le singe, comme lui, soupirent. Sans espoir. Sans projet. Il reprend :

- Pourtant, il ne dirige rien. Au mieux, il dérive, conduit par les aléas des courants et autres ressacs économiques. Il n’est que ce que l’on a nommé autrefois au Moyen-âge d’Or, voici mille ans, une de ces « poupées russes », qui s’emboitent les unes dans les autres. Toutes de bois faites. En réalité, elle se nomme MAI : Mirror Artificial Intelligence. C’est plat. C’est rond. Ça réfléchit la lumière et on peut se voit dedans. Un’ Miroir’, quoi…

Ses yeux se ferment, peut-être pour mieux accepter cette certitude-là. Cette horreur trop réelle.

- Parfois, Mirror se transforme en une boule de feu, vive comme l’éclair, pour mieux disparaitre dans l’eau. MAI est avant tout doté d’une intelligence exceptionnelle, d’une rapidité dépassant de loin celle de notre espèce. Cependant, depuis que les Humanoïdes de MAI nous ont doté d’une puce électronique dans notre cerveau, le monde des hommes nous est soumis. Et afin notamment de répondre en temps et en heures à nos desideratas, les hommes ont repris l’habitude de se pencher, pour aller plus vite. Toujours plus vite. Comme si en se mettant à quatre pattes, ventre à terre, ils filaient plus vite !

Le primate réprime un frisson. Presque de l’embarras…Confusion. Gêne. Se gratte l’oreille. Droite.

- Néanmoins, il subsiste une inconnue. En effet, on sait qu’il demeure une île composée exclusivement d’hommes et de femmes. C’est très bizarre. Ce sont des « Révoltés ». On ne comprend pas bien leur organisation : non seulement ils se tiennent encore debout, ils ignorent les pestes, mais en plus, ils utilisent des moyens de reproduction… (mon dieu, par Jupiter, oserais-je dire !) archaïques. Au lieu d’utiliser des éprouvettes comme tout le monde, ils se cachent d’abord (!), puis l’homme pénètre la femme ! Cette île, autrefois dénommée Kythnos, s’appelle à présent « Bounty ». Allez savoir pourquoi. Et ce n’est pas fini ! Ils ont des règles, eux : il semble ainsi que les miroirs soient interdits, ainsi que l’alcool. L’alcool, vous vous rendez compte ? ! Et même qu’ils ont gardé un concept de « poésie », vous savez, cette façon de dire, ou surtout d’être, qui serait liée au rythme, à ce « temps », et qui plus est, à la subjectivité ! Mais, ici, je me perds peut-être : je dois vous laisser, Monsieur, ma navette est arrivée. Enfin ! J’ai failli attendre.

Il monte, referme « Monsieur », son livre virtuel, seul réel compagnon. S’assied. Solitude. Puis se souvient. Souffre. Maintenant, ça y est, il pleure. En cachette.

                                    X

« Heure. Mal. Mal. Heure. Malheur. La peur a sans doute été la source de nos malheurs, écrit le berger. La peur de manquer. De tout» 

L’homme sait pourtant qu’il ne peut pas se plaindre, lui. Il n’a pas besoin de grand-chose pour vivre, mais ce dont il dispose est si riche...Cette paix. 

Et elle est là, à côté de lui.

Sa compagne. Noire. Peau. Douce. Fragile. Talon. D’Achille. Silence. Silice.

- I’m member…

Silex. Le berger est assis, sur un caillou. Dur. Usé d’être. Les larmes de l’homme font tache, sur le caillou. Dur…

Au loin, dans l’azur, là-bas, la mer va. Puis revient. Sans cesse. Et puis, sans raison, la vague suivante avale la suivante. Ou voudrait. Croit y parvenir. Sans odeur véritable, elle crée une mélodie. Répétitive. Sur cette île. Cet îlot. Le « Bounty ».

Maintenant, vraiment égaré.


7 commentaires:

  1. Bonjour Patrick,
    An 3026, ce cher Aldous Huxley est toujours d'actualité mais son"meilleurs des mondes" est encore plus effrayant !
    Comme le Covid venu d'un pangolin (probablement), H45-40 vient d'un singe et a conquis le monde entier.
    Perspective très Trumpienne, le monde est "América" mais a une composante très africaine riche et puissante (et non plus asiatique ?) au point, si on comprend bien le dernier paragraphe, que la population du globe est... noire !
    Je ne comprends d'ailleurs pas ce dernier paragraphe. Est-ce un extrait du livre "Monsieur" ?
    Bounty parce que les gens sont... noirs ?
    Que sont devenus le chercheur Arthur et sa compagne, la psy Mélissa ?
    Le singe Uxley, nouveau président qui ne dirige rien, pleure en se souvenant ? Serait-il un transfuge de Bounty ? Comment peut-il connaître les temps anciens car ce sont ceux-ci, je suppose, qui amènent les larmes ?
    Je suis curieux de lire la continuité et si tu réponds aux questions....
    J'ai vraiment apprécié ton écriture.
    Bien à toi,
    Jan.

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  2. Bonjour Patrick,

    Aldous Huxley et son Meilleurs des mondes, La planète des singes de Pierre Boule, le Bounty du Capitaine Fletcher et son île paradisiaque seront toujours présents dans mille ans, tout au moins dans nos cœurs. Et j’en suis très heureux alors que – dieu sait – nous sommes peut-être à l’aube ‘une catastrophe nucléaire…

    Les Singes, mais peut-on encore parler de primates alors qu’ils détiennent les clés d’un monde centré sur l’Afrique NOIRE. Je suppose que je ne dois pas y voir une connotation raciste, j’en serais très peiné.

    Ton texte est par ailleurs fort plaisant et intéressant. Il est fort bien écrit, j’aurai du plaisir à lire l’entièreté de ta nouvelle.

    Félicitations. Cordialement, Christian

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  3. Bonjour Patrick,
    Je n'ai peut-être pas ma tête bien à moi mais j'éprouve beaucoup de confusion ; je ne suis pas sûre de bien comprendre, de tout comprendre. Entre autre, le paragraphe avec les poupées russes...
    Le berger est-il ce singe solitaire qui pleure ? A-t-il besoin de se cacher pour pleurer puisqu'il est seul ?
    Quid du concept "Mirror Artificial Intelligence", un miroir qui se transforme en boule de feu et plonge dans l'eau ? Pour quoi faire ? Quid de nos 2 chercheurs, Melissa et Arthur.. ?
    Est-ce que toute la nouvelle se passe en 3025-26 ou bien 1000 ans ont passé entre le 6ème et le 7ème texte ?
    Les hommes qui détenaient la technologie scientifique ont implanté une puce électronique aux singes, capables de parler et d'écrire, alors que les hommes ont perdu, avec la notion du temps, la conscience et courent à plat-ventre comme des poules sans tête.
    Alors, oui, l'Afrique et l'Amérique survivent tandis que le reste du monde s'est écharpé et détruit dans des guerres bactériologiques, commerciales, cybernétiques, interculturelles, géopolitiques, religieuses, nucléaires , et j'en passe.
    Reste un bastion rebelle dans l'ancienne île grecque ! Et puis quoi ?
    Après une dernière mise au point globale, je suis sûre que j'y verrai plus clair. Bien à toi, Gisèle

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  4. Bonjour Patrik,
    Ton texte fait référence à plein d'évènement historique ,culturel etc Il me fait penser au film la machine à remonter le temps.
    Ça réfléchit la lumière et on peut se voit dedans. Un’ Miroir’, quoi…(J'ai ris ) appelons un chat un chat. Je trouve intéressant ta vision du futur.
    J'épingle:
    La peur a sans doute été la source de nos malheurs, écrit le berger. La peur de manquer. De tout» .
    Est-ce que ce dernier épisode est un délire suite à un accident, empoisonnement , intoxication ... et ensuite ton personnage revient à lui ? Je pense que tu pourrais trouver une astuce pour faire le lien avec tes personnages . Ou alors on est en 3026 et on découvre le carnet, film de tes personnages.
    Je trouve très chouette ton hypothèse du futur. Ceci n'est pas une fiction dans le futur la possibilité d'une grossesse dans un utérus artificiel est à l'étude ainsi que la possibilité de vivre 1000 ans en intervenant sur les télomères des cellules ( médecine du futur). Bref!
    J'ai bien aimé ta nouvelle.
    Bravo!
    Bon dimanche.
    Nadera

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  5. PS: tout compte fait, je suis contente d'être en 2025 qui est le passé de 3026.

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  6. Bonjour Patrick,
    Ton texte est un peu une fable qui, bien sûr, veut nous enseigner une morale. Une belle critique sur l'évolution de l'humanité !

    En 3026, MAI domine l'humain qui en est réduit à s'effacer petit à petit.
    Peut-être pourrais-tu consacrer quelques lignes pour nous expliquer comment on en arrive là historiquement parlant ( pandémie- guerre mondiale techno économique...). Cela rendrait l'évolution plus dramatique encore.

    L'image du singe assis, passif est forte: la liberté crie "Au secours", le pouvoir dérive. Du Trump à la puissance n.
    Reste l'île de Bounty, seul endroit encore humain avec ses rites naturels disparus ailleurs: naissance naturelle, poésie, miroirs, alcool... Des résistants !
    Une question: L'ancien monde méritait- il sa chute?

    Bravo pour ce mélange de réflexions, de dialogues intérieurs et de descriptions poétiques. L'ironie et la mélancolie s'entremêlent.
    Tu casses le rythme par moment, tu utilises des répétitions qui montrent la confusion du narrateur.
    Tu soulèves une question existentielle: Dans 1000 ans, arrivera-t-on à ce que tu nous décris là? Cela fait peur !

    Merci pour ce texte riche à tous niveaux !
    Bonne fin de dimanche
    Colette

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  7. Bonjour Patrick,

    Un dénouement apocalyptique qui interpelle et fait réfléchir. Le singe empereur me semble étrangement familier. Une très belle écriture poétique, surtout dans la dernière partie.
    Toutefois, je te rappelle que l’écriture poétique doit être sous-tendue par une cohérence, ce qui ne me semble pas toujours le cas dans ton texte. Les réactions de tes lecteurs en sont la preuve.
    « Pourtant, il ne dirige rien. Au mieux, il dérive, conduit par les aléas des courants et autres ressacs économiques. Il n’est que ce que l’on a nommé autrefois au Moyen-âge d’Or, voici mille ans, une de ces « poupées russes », qui s’emboitent les unes dans les autres. Toutes de bois faites. En réalité, elle se nomme MAI : Mirror Artificial Intelligence. »
    Le « il » - le singe empereur ? – se mue soudain en « elle » une intelligence artificielle. Rien n’indique que ce n’est pas le même sujet. S’il faut comprendre que le singe du premier paragraphe est devenu une MAI en 3026, je pense que tu devrais remonter la première partie de ce paragraphe à la fin du premier.
    J’essaie de comprendre. Le narrateur est un singe qui se pose des questions à propos du singe empereur et qui se plaint de l’intelligence artificielle dont il est cependant lui -même doté. Donc Mai qui a créé des humanoïdes à ne pas confondre avec les humains qu’elle asservirait par l’intermédiaire des singes.
    J’ai envie de te conseiller d’écrire toute la première partie qui explique les dérives de l’évolution-en langue simple, objective, factuelle ce qui faciliterait la compréhension et surtout créerait un contraste intéressant avec la poésie très réussie de la deuxième partie qui rejoint le prologue en boucle.
    Le dinosaure que je suis ne se pose aucune question des questions à la mode à propos du racisme, etc. Comme Christian j’ai simplement plaisir à retrouver dans ton texte des échos familiers d’œuvres familières.
    Enfin, je me demande comme la plupart de tes lecteurs ce que sont devenus Arthur et Mélissa. Sans doute morts depuis 1 000 ans mais il serai bon qu’ils aient laissé une trace.

    Pour la relecture finale, je te conseillerais, outre les recommandations générales de porter une attention toute particulière à cette articulation indispensable entre la poésie de l’écriture et la cohérence du récit. Pense surtout à partager ton texte pour en vérifier la compréhension.
    Bon travail,
    Liliane

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