dimanche 29 décembre 2024

 Chapitre 2 : 


Il y a quelque chose d’agaçant, à ULB. Même …voire surtout une fois assis à cette table ovale du Conseil d’administration de cette université,  situé rue Jeanne, à laquelle Arthur est exceptionnellement convié. Ou alors, est-ce le souvenir qu’il en a gardé, avant de s’enfuir travailler à l’UCL.

- Non, il n’est pas question que des médecins accompagnent ce groupe de travail ! Tous les symptômes de ce virus sont identifiés ! Et l’objectif poursuivi n’est pas explicitement d’ordre médical.

Avec ce recteur, on ne risque pas de douter de son point de vue : il a l’avantage d’être très clair. Ceci dit, cette réunion de haut vol, réunissant notamment tous les recteurs francophones convoqués en urgence, a bien besoin de clarté. Surtout pour les acteurs principaux, à savoir Arthur Belami et …Mme Mélissa Vandeveld ! 

Arthur maugrée. Ne peut-on pas trouver d’autres experts francophones pour communiquer sur ce nouveau virus qui sévit depuis peu ? Chez ScienSANO par exemple ? 

Bien sûr, il est vrai que Mme Vandevelde n’est pas que psychanalyste à titre privé : professeur à ULB, elle est surtout réputée dans les milieux universitaires notamment francophones pour ses compétences sur le behaviorisme. Quant à Arthur, sociologue spécialisé sur l’étude des besoins, lui, il s’est intéressé aux réactions des individus lors de grandes catastrophes humanitaires comme des tsunamis, Ebola et autres Covids : comment les femmes et les hommes réagissent-ils ? Quels sont leurs besoins, leurs priorités, sur des plans politiques et socio-économiques ? Toutefois, jusqu’à présent, leurs compétences n’avaient jamais empêché déontologiquement Arthur de réaliser sa thérapie auprès de Mme Vandeveld. Voilà qui allait changer…Car refuser ce projet n’était même pas envisageable !

- Au besoin, je rappelle que ces symptômes se traduisent par l’apparition de petites verrues, fièvre, douleurs à la vessie, brûlures urinaires, perte de poids, perte de cheveux et hémorragie externe au niveau des parties génitales. A un stade avancé, la caractéristique la plus significative est le comportement sexuel, celui-ci se traduisant soit pas une suppression totale de désirs des relations sexuelles ou, au contraire, une augmentation significative de ceux-ci. 

Mme Vandeveld et Mr Belami, comme notre gouvernement l’a requis, votre mission consistera à rassurer la population francophone de notre pays, ce sur bases d’informations scientifiques, du moins dans une certaine mesure. Je rappelle : « afin de rassurer… ».

Pour cela, nous vous demandons de vous rendre sur place, sur le lieu à partir duquel l’épidémie a été déclarée récemment, à savoir, l’île de Kythnos, en Grèce. A condition de ne pas avoir de relations sexuelles avec la population, vous n’encourrez aucun risque majeur. L’objectif sera d’examiner le comportement de la population indigène et d’en rapporter un enseignement nous permettant de prendre les dispositions adéquates, traduites et adaptées à notre pays.

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« Votre mission … », « rassurer », « notre gouvernement », « informations scientifiques, du moins dans une certaine mesure ». Du n’importe quoi. Surtout du mensonge. Mais tout est dit. 

Par conséquent, afin de clarifier la situation , Arthur a rapidement fixé un rendez-vous , dans lieu banal, avec Mme Vandeveld, sa psy, qui deviendra sous peu sa collaboratrice. Quel malheur… Durant le meeting, elle n’a pas pipé mot au sujet de leur relation actuelle. Lui non plus par ailleurs. Comme s’ils avaient le choix…

Le bistro « Le Tavernier », près du cimetière d’Ixelles, est moche. En essayant d’escalader le temps, l’escalier, fait de padouk, n’hasarde plus rien depuis longtemps. Avant de grimper, juste à gauche, la peinture amarante vineuse ose encore se lézarder. Avant de choir. Et de laisser place aux jeunes briques, plus que vivantes, elles. Pourtant, Arthur aime se lâcher, se perdre dans ce cuir bordeaux grainé qui pourrait sans doute lui en raconter jusqu’à la fin des nuits. Alors sa main droite tire de son porte-feuille une photo d’une de ses deux sœurs jumelles. Louise. Louise que le sida a emporté. Que le souvenir réfléchit encore … Comme pour prouver qu’il a parfois tort de l’oublier, un miroir froid, de glace, juste en face de lui, semble la révéler, quoique dans un certain brouillard, habillée d’une robe toute faite de rubis. Il n’entend pas le craquement d’un plancher vanné, qui voudrait se rapprocher. Mais qui n’ose plus. Qui s’est arrêté. A quelques pas de lui. Ses yeux humides l’empêchent sans doute aussi de découvrir ces talons si connus. Carmin cette fois. Mme Vandeveld est au rendez-vous.



  


6 commentaires:

  1. Bonjour Patrick,
    Une double mission en Grèce : étudier la population locale pour prendre des mesures prophylactiques ici et montrer par ce déplacement qu'il n'y a aucun risque pour la santé ! Est-ce bien le rôle de communicants de faire ce travail cynique qui doit rester secret en amont de leur fonction d'informateurs au public ?
    Bravo pour la comparaison entre le décor décrépi du bistrot ixellois et la vie supposée d'Arthur entouré de bien des malheurs...
    Sa psy sera-t-elle un vrai rayon de soleil ?
    Pourquoi Arthur se complait-il dans cette situation ?
    Vivement la suite !
    Bien à toi,
    Jan.

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  2. Bonjour Patrik,
    Merci pour ce beau texte. J'aime beaucoup le passage au Tavernier. Pourquoi Madame Vandeveld accepterait elle de collaborer avec "son patient" à Kythnos ?Cette thématique semble douloureuse pour Arthur , pourquoi ne pas en parler à l'autre sœur jumelle?

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  3. MERCI et bon déménagement.
    Nadera

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  4. Bonjour Patrick,e
    Désolée, je ne comprends pas bien ton premier paragraphe.
    Est-ce parce que tu as décidé de modifier le lieu du travail de recherche de Melissa par rapport à ta présentation ?
    Pourquoi ne pas changer de point de vue et commencer ton texte par le RV (Justement, tu nous écris qu'il a pour but de clarifier la situation. Leur mission concerne un nouveau virus lié au Sida, c'est bien ça ?) au bistro entre Melissa et Arthur et développer à partir d'un dialogue tout le début qui est très explicatif, en permettant aux personnages de manifester leurs émotions à travers le décors, comme ton écriture nous y a habitués ?
    Ou bien, commencer par le souvenir de Louise, sa sœur décédée...
    En ce qui concerne le texte précédent, peut-on considérer, ou pas, que tu acceptes la suggestion de Liliane de remplacer l'amie par la sœur survivante ?
    Impatiente de découvrir la suite !
    Gisèle

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  5. Bonne et heureuse année 2025 dans ton nouveau cocon, Patrick!
    On sent que le Covid a marqué les esprits et les corps car ici, tu fais allusion à un autre virus menaçant qui pourrait entraîner une pandémie.
    Quelle belle description du bistro. Un vrai tableau peint avec des mots justes, précis, colorés. Tous les sens sont mis en éveil.
    Pourquoi la jumelle décédée est-elle tout à coup révélée par le miroir ? Sera-t-elle source de recherches dans le domaine qui les occupe?
    Vivement la suite!
    Merci !
    Colette

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  6. Bonjour Patrick,

    Sympa la nouvelle épidémie : un mixte entre la syphilis et l’Ebola et qui s’attrape comme le sida !
    Un texte très riche qui exploite deux registres d’écriture. La première partie explicite, circonstanciée, la deuxième affective et poétique. Comme tes autres lecteurs j’ai beaucoup aimé la description du bistro dont l’ambiance reflète l’état d’esprit d’Arthur. Et toujours les talons. Quelle fine astuce, ce détail récurrent qui suggère une pointe de fétichisme chez ton personnage !
    Un texte-puzzle aussi dont les pièces encore éparses multiplient les ambiguïtés :
    - la relation complexe que tu installes enter Arthur et Mélissa ;
    - la gémellité qui n’a rien d’anodin surtout dans une texte qui exploite le thème du miroir
    - -la mort de Louise suite à une autre épidémie.

    Trois remarques précises.

    « Ou alors, est-ce le souvenir qu’il en a gardé, avant de s’enfuir travailler à l’UCL. »
    Cette remarque n’a rien à voir avec le reste du texte et fait allusion à une situation antérieure inconnue du lecteur. Il faudrait qu’à un moment du récit tu fasses comprendre ce qu’était ce souvenir, ce qui a justifié cette fuite parce que le lecteur se pose la question et qu’il lui faudra une réponse. Tu as le temps. Ceci dit, ce n’est pas une contrainte. Tu peux aussi au moment de la mise au point finale, supprimer cette phrase qui est peut-être seulement le fruit d’un souvenir perso qui n’a rien à voir avec ta nouvelle.

    L’écriture poétique permet de nombreuses ellipses à condition qu’elle conserve une cohérence logique.

    « .. l’escalier, fait de padouk, n’hasarde plus rien depuis longtemps. »
    hasarder – avec un h aspiré – veut dire livrer au hasard : J’avoue ne pas comprendre ce que tu veux dire :

    « . Il n’entend pas le craquement d’un plancher vanné, qui voudrait se rapprocher. »
    Je ne comprends pas qu’un parquet veuille se rapprocher. Peut-être veux- tu dire qu’il n’entend pas craquer le parquet sous des pas qui voudraient se rapprocher. Je penserais à quelque chose genre :
    « Il n’entend pas le craquement du plancher vanné, le martèlement qui voudrait se rapprocher. »
    Dans ton prochain texte qui sera vert, Arthur entreprend une recherche.
    Bon travail,
    Liliane

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